« Comprendre et aimer sont inséparables. S’ils sont séparés, c’est un processus cérébral et la porte de la compréhension essentielle reste fermée.
« Une expérience ne fait son apparition que lorsqu’elle est dite », écrit Hannah Arendt en réfléchissant à la manière dont le langage confère la réalité à l’existence . « Et à moins qu’on ne le dise, il est, pour ainsi dire, inexistant. »
Cependant, si une expérience est dite mais qu’elle n’est pas entendue, la moitié de ce qu’elle véhicule disparait et une certaine harmonie essentielle est rompue.
Le grand physicien David Bohm le savait : « Si nous voulons vivre en harmonie avec nous-mêmes et avec la nature » , écrivait-il dans son excellent traité sur le paradoxe de la communication , « nous devons pouvoir communiquer librement et dans un élan créatif sans chercher à nous accrocher en permanence à nos propres convictions ni à les défendre.»
Comment y parvenir, c’est ce que l’influent philosophe et psychologue humaniste Erich Fromm (23 mars 1900-18 mars 1980) a exploré lors d’un séminaire de 1974 en Suisse, dont la transcription de 400 pages a finalement été adaptée dans l’ouvrage publié à titre posthume L’art d’écouter.
L’écoute, soutient Fromm, est « un art comme la compréhension de la poésie » et, comme tout art, a ses propres règles et normes.
S’appuyant sur sa pratique d’un demi-siècle en tant que thérapeute, Fromm propose six de ces lignes directrices pour maîtriser l’art de la compréhension désintéressée :
- La règle de base pour pratiquer cet art est la concentration complète de l’auditeur.
- Rien d’important ne doit être dans son esprit, il doit être libéré de manière optimale de l’anxiété ainsi que de la cupidité.
- Il doit posséder une imagination libre et suffisamment concrète pour s’exprimer par des mots.
- Il doit être doté d’une capacité d’empathie avec une autre personne et suffisamment forte pour ressentir l’expérience de l’autre comme si c’était la sienne.
- La condition d’une telle empathie est une facette essentielle de la capacité d’aimer. Comprendre un autre, c’est l’aimer, non pas au sens érotique mais au sens de lui tendre la main et de surmonter la peur de se perdre.
- Comprendre et aimer sont inséparables. S’ils sont séparés, c’est un processus cérébral et la porte de la compréhension essentielle reste fermée.
Dans le reste de L’art d’écouter , Fromm détaille les techniques, la dynamique et les mentalités qui permettent une relation d’écoute optimale, en thérapie et dans la vie.