Claire Cordon
Pourquoi nous nous souvenons mieux des mauvais souvenirs que des souvenirs heureux
Si l’on vous demandait de vous remémorer la dernière fois où vous vous êtes senti extrêmement heureux et où vous n’avez pas pu vous empêcher de sourire, par rapport à la dernière fois où vous avez traversé une période difficile, laquelle de ces situations vous reviendrait en premier ?
Il est fréquent que nous accordions plus d’espace dans nos souvenirs aux événements négatifs qu’aux bons moments. Une étude révèle que nous sommes capables de nous souvenir de plus de mauvais souvenirs et de plus de détails que de bons.
Cela dépend de l’émotion qui imprègne le souvenir et de la manière dont elle déclenche l’activité cérébrale, souvent au prix d’une distorsion.
Voici une explication scientifique de ce phénomène.
Les mauvais souvenirs durent plus longtemps
Il peut sembler évident que les souvenirs effrayants ou anormaux restent plus vivants dans notre mémoire que les souvenirs heureux, mais comprendre pourquoi est crucial pour apprendre à valoriser et à privilégier les bons souvenirs.
Des chercheurs de l’université de Tulane expliquent que les zones cérébrales responsables du traitement des émotions, telles que l’amygdale et le cortex frontal, sont fortement stimulées lors d’événements négatifs.
Cette stimulation intense entraîne une forme particulière de mémorisation, enregistrant les détails des événements négatifs avec une précision remarquable. En contraste, les événements positifs sont souvent moins détaillés et moins profondément ancrés dans notre mémoire.
Les événements négatifs sont mieux mémorisés
Lorsque vous fermez les yeux, vous êtes plus susceptible de revivre de manière vivante des souvenirs négatifs plutôt que des souvenirs heureux. Les études montrent que les gens se souviennent plus précisément des détails liés aux événements négatifs, tandis que les souvenirs heureux tendent à être plus vagues.
Cela est dû au fait que les souvenirs négatifs provoquent une réponse de combat ou de fuite, focalisant le cerveau uniquement sur les détails qui sont perçus comme menaçants, comme une arme plutôt que la personne qui la tient.
Le centre cérébral est éveillé
Lorsqu’un événement désagréable se produit, votre corps se mobilise en état de combat ou de fuite, entraînant une surstimulation cérébrale.
Cette surstimulation modifie la fréquence des ondes cérébrales, passant d’un état de repos à un état d’éveil intense, ce qui contribue à la création de mauvais souvenirs. Cette réponse est liée à la libération de neurotransmetteurs du stress, comme la noradrénaline, qui renforce la vivacité des souvenirs négatifs.
Une poussée d’adrénaline
Jeffrey Tasker, professeur de biologie cellulaire et moléculaire à Tulane, explique que les souvenirs effrayants sont souvent accompagnés d’une poussée d’adrénaline : « Lorsque vous êtes menacé par une arme, votre cerveau libère de la noradrénaline, provoquant une réponse similaire à une poussée d’adrénaline. »
Cette libération de neurotransmetteurs accentue la mémoire des détails négatifs. En revanche, les souvenirs heureux sont souvent moins marqués par une telle réponse émotionnelle, ce qui les rend plus sujets à des erreurs de mémoire.
Une réponse émotionnelle
Nous nous souvenons davantage des émotions que des événements spécifiques. Même si nous ne sommes pas toujours conscients des informations que nous traitons et stockons, notre état émotionnel influence fortement notre mémoire.
Les souvenirs émotionnels sont souvent plus vivaces, mais ils peuvent également être sujets à des distortions. Par exemple, vous pourriez vous sentir de mauvaise humeur sans comprendre immédiatement pourquoi, car un mauvais souvenir pourrait influencer votre état émotionnel actuel.
C’est basé sur l’évolution
Ce phénomène est enraciné dans l’évolution. Historiquement, la capacité à se souvenir des menaces et des dangers a été cruciale pour la survie. Les mauvais souvenirs nous aident à éviter des situations dangereuses et à transmettre ces connaissances à travers les générations. Ce mécanisme évolutif nous permet de nous souvenir des événements menaçants avec une précision accrue pour éviter de futurs dangers.
Les erreurs de mémoire préservent encore des moments significatifs
Malgré leur importance, les souvenirs ne sont pas parfaits. Ils peuvent être incohérents, altérés ou oubliés avec le temps. Comme l’a écrit William James, « certains événements sont si émotionnels qu’ils laissent une cicatrice sur les tissus cérébraux ». Les souvenirs, bien qu’ayant un rôle protecteur, peuvent être exagérés ou déformés. Il est essentiel de reconnaître que les souvenirs, bien qu’importants, ne sont pas toujours fidèles à la réalité.
Les souvenirs changent avec le temps
Les souvenirs évoluent avec le temps. Les détails d’un souvenir peuvent changer en fonction de votre état actuel, des personnes autour de vous et du temps écoulé. Par exemple, une rupture qui semblait dévastatrice peut paraître insignifiante avec le temps. Les souvenirs émotionnels sont subjectifs et peuvent être influencés par divers facteurs externes.
Nous nous attendons au pire
Nous avons tendance à nous préparer au pire, pensant que cela nous rendra plus résilients face aux difficultés. Cependant, cette anticipation constante du pire peut renforcer les événements négatifs dans notre mémoire et influencer notre perception de la réalité. En croyant que de mauvaises choses sont plus probables, nous les attirons et leur accordons une importance disproportionnée.
Conclusion
Bien que les mauvais souvenirs soient souvent plus persistants et détaillés, il est possible de les gérer et de les transformer. En apprenant à contrôler et à reprogrammer nos souvenirs, nous pouvons mieux équilibrer notre mémoire entre les aspects négatifs et positifs de notre vie.
Nous avons le pouvoir de choisir comment nous réagissons aux souvenirs et de décider de la manière dont ils influencent notre futur.
